La flânerie et le temps qui passe sont des préoccupations récurrentes de la chanson, intimement liées à cette forme d'expression. L'une et l'autre se retrouvent mêlés d'une façon renouvelée, brillante et originale dans Le Temps qu'il faut, nouvel album de Thibaud Defever (et premier signé sous son nom). Un album traversé par le goût de l'errance, de l'aventure et par l'envie de se perdre. Qu'il s'agisse du désir rimbaldien de tout quitter (Fugue, Je dérive), de celui plus apaisé d'aller s'échouer sur une île déserte (île), de la tentation de la forêt (Dans la forêt), du passé qui se consume pour nous libérer (Brûle - la maison d'enfance), Thibaud Defever nous invite, doucement, tendrement, à nous arracher au réel. Et nous promet, au bout d'une quête qui prendra le temps qu'il faut et nécessitera d'affronter des vents contraires, la consolation fraternelle de la rencontre (Des oiseaux, Nous). 10 chansons qui constituent un album cohérent, tissé comme un nid et solide comme un refuge. Depuis des années, Thibaud Defever creuse le sillon d'une chanson associant avec talent les contraires : elle est complexe et lisible, virtuose et simple, nette et fouillée, fragile et solide. On entend dans son travail la fusion d'influences aussi diverses que Dick Annegarn, Joao Gilberto, William Sheller mais il est une voix singulière et importante dans le paysage de la chanson contemporaine, qui donne sa pleine expression dans Le temps qu'il faut. Qui aujourd'hui s'inquièterait pour nous ? est la première phrase de l'album. Toujours nous revenons à nous, la dernière. Entre ce nous qui se demande s'il peut larguer les amarres et celui qui célèbre la force du groupe, il y a un chanteur tendre et fraternel, attentif aux blessures du monde et conscient de la dureté de la vie. Un chanteur avec ses chansons comme des traits d'union qui donnent une force et une esthétique au joli mot de consolation.